- PALLADIANISME (tendance architecturale)
- PALLADIANISME (tendance architecturale)PALLADIANISME, tendance architecturaleL’interrogation sur l’Antiquité qui s’effectue au XVIIIe siècle à travers l’architecture de Palladio (1508-1580) est sans doute la première forme d’anticomanie sensible à une certaine idée de l’architecture grecque. L’expression palladianisme rend compte d’une tendance de l’architecture occidentale, généralisée du XVIIIe au XXe siècle, qui suscite des œuvres «à l’antique», variations à partir d’un double modèle (l’antique, proche de la nature, et Palladio, le médiateur de la Renaissance) intégré à un mode de vie guidé par l’histoire. Le palladianisme, parangon du néo-classicisme, n’est pas étranger à l’éclectisme de la seconde moitié du XIXe siècle; dans l’architecture contemporaine, il inspira parfois la stylisation monumentale de l’époque des Arts décoratifs (1920-1935), et il sert encore de caution à l’architecture contestataire post-moderne (depuis 1980 environ).Le palladianisme se reconnaît à toute une série de références formelles empruntées aux édifices majeurs de Palladio (par exemple, la villa Rotonda pour son plan centré et la basilique de Vicence pour l’isolement des galeries superposées, dominées par un vaste toit «caréné»). Le thème majeur est celui de la «villa-temple». Développée à partir d’un plan centré (cruciforme à l’intérieur, mais formant bloc à l’extérieur), ouverte par un pronaos élevé sur un haut podium, elle se caractérise par un élargissement latéral, symétrique, appelé barchesse , où se logent les communs nécessaires à l’habitat noble et à l’activité agricole. Cette typologie des structures et des partis architecturaux palladiens s’accompagne d’un réemploi des ordres antiques codifiés par le maître de Vicence dans ses Quattro Libri (1570) et par la mise en valeur de motifs ou d’effets architectoniques bien spécifiques: par exemple, l’utilisation singulière ou rythmique de la serlienne (baie vénitienne: triplet formé d’une baie centrale cintrée et de deux ouvertures latérales rectangulaires plus basses) et de la baie thermale (baie en demi-cercle divisée par deux montants). La simplicité géométrique des volumes et, plus encore, des masses à l’extérieur, comme le rôle expressif des murs nus ou, au contraire, décorés de vigoureux bossages, jouent des contrastes variés avec l’ordre utilisé dans un rôle structurel et symbolique affirmé qui s’oppose au modelé sculptural de l’esthétique baroque. Au XVIIe et au XVIIIe siècle, la référence à Palladio ou les œuvres qui s’inspirent de ses monuments ont été sciemment opposées aux «débordements» du baroque et du rococo. Au XIXe et au XXe siècle, le palladianisme s’inscrit idéalement en faux contre l’éclectisme généralisé et la crise de l’architecture industrielle.Historiquement, le palladianisme est évidemment lié à la fortune critique de Palladio dès le XVIe siècle. L’influence de son œuvre fut immédiate et ne connut par la suite aucune interruption, notamment grâce à certains de ses disciples comme Vicenzo Scamozzi (1552-1616), l’auteur de la fameuse Rocca Pisana (villa Pisani à Lonigo, 1576) et d’un traité éclectique, Idea dell’ architettura universale (1615). L’Europe entière découvre au même moment les théories de Palladio: traduit dans les principales langues et fréquemment réédité, le volume des Quattro Libri fait l’objet d’adaptations et de commentaires permanents. Hors de la Vénétie, fidèle durant trois siècles à l’esthétique palladienne, c’est en Angleterre que Palladio a trouvé ses premiers adeptes inconditionnels, dès le XVIIe siècle, grâce à l’architecte-scénographe de la cour, Inigo Jones (1573-1651), l’auteur du pavillon de la reine à Greenwich et de la salle des banquets de Whitehall à Londres. Prospère, politiquement équilibrée et dominée par une aristocratie entreprenante qui exploite de grands domaines fonciers, l’Angleterre du XVIIIe siècle connaît une sorte d’âge d’or des Country Houses qui influencèrent également l’urbanisme paysager de Bath et de certains quartiers neufs de Londres, d’Édimbourg et de Dublin. Or ces maisons, centres administratifs qui manifestent le prestige des gentilshommes cultivés, s’identifient, sur une échelle agrandie, aux villas de Palladio. Elles seront imitées dans le monde entier — dans les domaines viticoles du Bordelais, par exemple —, de la Russie à l’Amérique du Nord: l’Écossais Cameron, l’Italien Quarenghi (ils construisent à Saint-Pétersbourg) et l’Américain T. Jefferson (villa de plantation à Monticello) figurent parmi les plus illustres représentants de ce courant international qui domine fortement la création architecturale entre 1770 et 1840 en France, en Allemagne, en Pologne, dans les pays scandinaves. Auparavant, avec le Vitruvius Britannicus (1715-1725) de Colen Campbell (architecte de Mereworth Castle, Kent) et avec les publications des œuvres inédites de Palladio et d’Inigo Jones par le comte de Burlington (l’auteur de Chiswick House, Middlesex, influ sur ses amis architectes Isaac Ware, William Kent et John Wood), l’école anglaise avait justifié les fondements théoriques de cet engouement universel pour Palladio. Celui-ci a été étudié à partir d’exemples empruntés à de nombreux pays: Allemagne, Angleterre, Pays-Bas, pays scandinaves, Pologne, Russie, Espagne, Portugal, Suisse, Autriche, Belgique, Tchécoslovaquie, France, Irlande, Italie, États-Unis d’Amérique et Hongrie, à l’occasion d’une exposition, accompagnée d’un catalogue scientifique, Palladio: la sua Eredità nel Mondo , Vicence, Basilica Palladiana, 1980.
Encyclopédie Universelle. 2012.